Chroniques numériques de Chine : accessoirement vôtre | MacGeneration
Il est un pays où les Google, Facebook et autre Twitter dont nous ne pouvons pas nous passer sont quasiment inexistants. Ce pays, c’est la Chine. Expatrié dans l’Empire du Milieu, Mathieu Fouquet nous raconte son périple technologique.
La Chine, l’ultime frontière (ou peut-être était-ce l’espace ? Je les confonds souvent). Un lieu qui n’est pas si éloigné de nos repères familiers, mais qui sait en différer suffisamment pour tantôt nous émerveiller, tantôt jouer avec notre santé mentale. Est-ce un salon de café américain que je vois là-bas, ou un traditionnel commerce chinois dont les locaux datent de la dynastie Qing ?
Il en va de même pour tout l’écosystème matériel qui entoure nos précieux appareils : reconnaissable à première vue (que ce soit en France ou en Chine, une coque protège, un câble charge et une batterie explose), il prend dans l’Empire du Milieu des tournants parfois inattendus. Et colorés.
L’Empire des objets
Exclu MacG : la Chine n’est pas trop mauvaise lorsqu’il s’agit de fabriquer des objets. Tellement douée, en fait, qu’il est difficile de vraiment appréhender l’échelle titanesque de ses capacités de production. 500 000 iPhone assemblés en une journée dans une usine, c’est impressionnant, mais cela reste un nombre abstrait difficile à visualiser (sauf peut-être si vous travaillez pour Foxconn).
La donne change légèrement lorsque vous habitez dans le pays. Dans ma précédente chronique sur les transports, je mentionnais brièvement des services de location de vélos tels qu’ofo ou Mobike, qui proposent aux utilisateurs de déverrouiller et d’emprunter des bicyclettes via leur smartphone pour une somme dérisoire. C’est en soi déjà suffisamment impressionnant, mais ce n’est rien comparé à la vitesse à laquelle ces startups ont su installer — et continuent à installer — des flottes (ou plutôt des tsunamis) de deux roues aux quatre coins du pays. Mobike veut produire 10 millions de vélos en 2017 ? C’est un nombre. Mais voir ça apparaître du jour au lendemain dans son quartier :
… c’est de la magie.
Vivre en Chine, c’est donc vivre au plus près d’une machine industrielle gigantesque, avec toutes les conséquences que cela implique. Vous avez soudainement accès à un océan de produits en tous genres, souvent très abordables (salaires modestes et économies d’échelle obligent), fréquemment utiles et — avec un peu de chance — extrêmement kitsch.
Et qui dit océan de produits, dit bien sûr raz-de-marée d’accessoires et gadgets technologiques en tout genre. On peut d’ailleurs vite s’y noyer si l’on n’y prend pas garde, mais le même bon sens s’applique partout : si ça coûte quelques centimes, ce n’est probablement pas d’une qualité incroyable. Et si c’est un produit à l’effigie de Totoro, il faut l’acheter. C’est la loi.
Et tant qu’à citer l’évidence, notons que tous les produits de consommation (technologiques ou non) ne sont pas systématiquement moins chers en Chine : lorsque j’ai dû racheter un chargeur de MacBook Air, l’addition était aussi douloureuse qu’en France (il est cependant exact que les machines Apple sont souvent plus abordables dans l’Empire du Milieu ; par exemple, un MacBook Pro 15 pouces haut de gamme y coûte actuellement 2 914 €, contre 3 299 € dans l’Hexagone).
Cela étant, il est loin d’être impossible de dénicher des accessoires d’une qualité raisonnable et d’un prix ridicule. Lorsque le câble de mon iPhone a commencé à montrer de sérieux signes de faiblesse (je vous jure que je prends soin de mes affaires), trouver son remplaçant n’aura pas été difficile : pour 25 yuans (environ 3 €), j’avais un câble tressé de presque deux mètres, et — cerise sur le gâteau — assorti à mon téléphone :
Rock, la société qui les fabrique, ne se cantonne d’ailleurs pas aux câbles de recharge mais propose divers accessoires tels que des écouteurs, des clés USB et d’indispensables perches à selfies — pardon, à égoportraits. Impossible de se prononcer sur la qualité de tout leur catalogue, mais le câble remplit en tout cas son office. Et si mon iPhone explose demain, cela aura été pour la science.
Et en parlant d’explosions…
S’il y a bien des accessoires que j’ai fréquemment vus dans les trains et les cafés de Chine, ce sont les batteries externes. Sont-elles plus répandues qu’en France ? Peut-être. Elles sont en tout cas bien pratiques en cas de panne sèche (comment suis-je censé m’orienter sans mon cerveau électronique ?) et sont — surprise ! — très bon marché. Xiaomi, qui décidément tente de rivaliser Samsung dans son rôle de touche-à-tout, commercialise par exemple une gamme « Power Bank ». J’avais personnellement opté pour la version 10 000 mAh, largement suffisante pour mes modestes besoins, qui m’a d’ailleurs sauvé la vie lorsque mon quartier a connu une coupure de courant. Cela n’arrive pas souvent, mais quand ça arrive…
Bref, il n’est pas très compliqué en Chine de trouver des produits dont le rapport qualité/prix semble parfois irréel. Soyez prévenus : si vous restez trop longtemps dans le pays, votre cerveau s’adaptera très vite à cette nouvelle réalité — et pas seulement pour les accessoires technologiques. Lorsqu’un repas coûte une bouchée de pain (pardon) et qu’on peut raisonnablement remplir son panier au supermarché pour une vingtaine d’euros, il peut être douloureux de revenir à la réalité française.
Un iRing pour les gouverner tous
Les coques de téléphone en Chine, ce n’est rien de moins qu’un miracle. Si l’on dessinait un diagramme de Venn avec les catégories « nombreuses », « cheap » et « kitsch », les coques et autres protections occuperaient fièrement le centre. En réalité, il y en a tellement pour tous les goûts que ces indispensables compagnons de l’iPhone mériteraient aisément leur propre article. Mais ne nous privons pas du plaisir d’un rapide tour d’horizon…
Nous avons ici une intéressante combinaison : une coque normale à laquelle on a ajouté un anneau adhésif. Il n’est pas exagéré de dire que ces anneaux — ou iRing — sont absolument omniprésents en Chine. Que l’on adhère (pardon) ou non au design, ils sont censés remplir plusieurs fonctions : permettre à l’utilisateur d’avoir une prise plus sûre sur son téléphone, transformer ce dernier en objet que l’on peut accrocher partout, et enfin faire office de béquille, par exemple pour poser l’iPhone sur une table en mode paysage.
Et non, ça ne décapsule pas le téléphone.
Un autre grand classique, que l’on retrouve aussi sur une légion de mugs et t-shirts : le français soit approximatif (voir : franponais), soit correct… mais dont le message échappe parfois aux clients malchanceux. C’est bien sûr le cas ici, au grand dam du couple concerné (car oui, ils avaient tous les deux la même protection ; il est aussi assez fréquent de voir des couples chinois porter des vêtements similaires). Je regrette profondément d’avoir traduit cette coque : quelques jours plus tard, leurs iPhone avaient mystérieusement changé de visage.
Et puis bien entendu, il reste toujours la possibilité de faire dans la discrétion.
Le mystère d’AssistiveTouch
Certes, ce n’est pas un accessoire à proprement parler, mais il est pourtant quasiment devenu une marque de fabrique des iPhone chinois : AssistiveTouch, un réglage d’accessibilité qui permet d’afficher à l’écran un menu comprenant des raccourcis (disponible dans Réglages > Général > Accessibilité > AssistiveTouch), rencontre un succès aussi inattendu qu’inexplicable dans l’Empire du Milieu.
La théorie la plus populaire veut que les utilisateurs chinois, inquiets du prix de leur téléphone, et décidés à préserver précieusement sa valeur, préfèrent éviter d’appuyer sur le bouton d’accueil physique de l’iPhone, qui a la réputation de s’abîmer après un trop grand nombre d’utilisations. Oui, mais voilà : si les premiers modèles du téléphone d’Apple étaient peut-être fragiles à ce niveau, c’est loin d’être un problème aujourd’hui, d’autant plus depuis l’iPhone 7 et son bouton d’accueil tactile. Si cette théorie est correcte, alors la Chine entretient d’une génération d’iPhone à l’autre cette étrange habitude par pure inertie, une habitude dont les racines sont désormais si profondes que l’on pourrait presque parler de culture.
Mais vraiment, faut-il se montrer surpris que la Chine se révèle être une fois encore un monde parallèle aux délicieuses surprises ?
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