Après 15 500 km à travers l’Europe, la marathonienne Lootie arrive à Istanbul
Marie Leautey alias "Lootie" vient de réaliser une traversée d’Europe en courant ; après 15 500 km, elle est arrivée ce jeudi 24 juin au Palais de France à Istanbul, point final de son parcours sur le continent européen. Une petite réception y a été organisée en son honneur, en collaboration avec la mairie d’Istanbul (IBB).
Rouennaise de 43 ans, directrice financière à Singapour, Lootie, qui avait " envie de voir la Terre, tout entière ", est la 7ème personne au monde (deuxième femme, après la Britannique Rosie Swale Pope) à réaliser cet exploit équivalant à 650 marathons. Elle est partie de Cabo da Roca, au Portugal, en décembre 2019. Après avoir été stoppée un temps par la crise sanitaire, Lootie est repartie de France le 17 décembre dernier. Et la course ne s’arrête pas là… après Istanbul, elle se rendra en Amérique du nord, puis en Océanie, et enfin en Amérique du sud, pour faire au total la distance minimale de 26 232 km*, imposée par la World Runners Association (WRA), un organisme qui validera la "course autour du monde " de Lootie (avec certaines règles, telles que traverser un minimum de 4 continents d'océan à océan -avec minimum 3000 km par continent-, télécharger quotidiennement les données GPS pour signaler le nombre de kms parcourus, terminer la course là où elle a commencé…).
Lepetitjournal.com Istanbul/Turquie a pu interroger Lootie à l’occasion de son court passage à Istanbul.
En quelques mots, dans quel état d’esprit êtes-vous, physiquement comme moralement, après ces 18 mois passés à courir sur les routes d’Europe ?
Je me sens en pleine forme, physiquement et moralement, avec une énergie et un désir de continuer tout aussi fort qu’au premier jour. Cela fait 18 mois que je suis partie, mais je me sens encore au tout début de l’aventure, n’ayant pu traverser qu’un seul continent.
Via votre marathon, vous avez décidé de soutenir la cause Women for Women International, une ONG qui apporte un soutien matériel et moral aux femmes victimes de la guerre. Concrètement, comment se passe la levée de fonds ?
L’ONG aide les femmes, dans les régions d'après-guerre, à reconstruire les communautés. Basée sur un vrai programme éducatif combinant l’apprentissage et le soutien psychologique, l’aide s’inscrit dans la durée pour être efficace et durable.
J’ai créé un compte sur JustGiving, une plateforme de donations qui collecte les fonds directement pour l’ONG. Cela me permet de ne pas être impliquée dans les transactions financières. Si les gens souhaitent me venir en aide, me soutenir, je les invite à se connecter sur mon site, à suivre la trace des boutons “Donate” et faire une donation, qu’importe le montant. Ma promesse à l'ONG est de lever 1$ par kilomètre couru.
Prévue au départ pour 2 ans, votre course a dû s’adapter à la crise sanitaire (fermeture des frontières etc.). Comment prévoyez-vous la suite du voyage ? Quand pensez-vous pouvoir accomplir les 26 232 km ?
La crise sanitaire a effectivement bouleversé tous mes plans. Je ne suis plus en mesure de traverser les continents dans un sens continu. La WRA (World Runners Association) m’a accordé une exemption à ce sujet. Je pars donc traverser l’Amérique du Nord, puis l’Amérique du Sud. Il me faudra ensuite attendre que l’Australie et la Nouvelle Zélande rouvrent leurs frontières pour pouvoir traverser ce continent. Je pense que ma course durera entre 6 mois et 1 an de plus que prévu initialement.
Vous invitez des gens à vous rejoindre (en courant, à vélo, en voiture...) pour faire un bout de chemin avec vous... avez-vous pu rencontrer beaucoup de personnes dans ce cadre ?
Je tiens le compte des gens qui courent ou pédalent à mes côtés. À ce jour plus de 100 personnes se sont jointes à ma course, pour quelques kilomètres ou parfois un marathon en entier. Ma plus belle rencontre s’est passée en Belgique à Namur, 2 jeunes s'étaient lancés pour quelques kilomètres à mes côtés. Ils n’avaient jamais couru de marathon de leur vie et leur première tentative avait été avortée à cause du Covid. Au fil de la conversation je les ai mis au challenge de courir ce jour-là, au débotté, le marathon complet à mes côtés. Ils l’ont fait et ça a été une grande joie pour tous.
Vous autofinancez entièrement votre voyage. Avez-vous été souvent invitée à dormir chez l’habitant ?
Je reçois régulièrement des accueils très chaleureux et des grandes marques de générosité. Il est parfois arrivé que ma note de restaurant soit payée ou que ma chambre d'hôte me soit offerte gratuitement ou à coût très réduit. Tout cela dépend naturellement de mon ouverture, du partage, de ma volonté d’engager la discussion et de partager mon voyage avec les gens que je rencontre.
Seule, vous êtes aussi ultra-connectée, concrètement comment se passe une journée ? Avez-vous pu établir une "routine " ?
Il y a effectivement une journée type. Je cours le matin départ à l’aube et en fonction du kilométrage et de la difficulté j’arrive entre midi et 14h. Je me douche puis je déjeune. Ensuite je travaille environ 1h30 (écriture du blog, photos, mise à jour du site internet, des réseaux sociaux, préparation en détail de l'itinéraire du lendemain, contact de mes hôtes). Je fais le tour de la ville, ou de l'endroit où je me trouve. Je me repose. Je fais mes courses pour le petit déjeuner et le dîner. Je rentre, dine. Puis je lis ou regarde un film et vers 21h, je dors.
Sur le continent européen, j’ai pu avancer en allant de ville en ville, toujours. Ça ne sera pas toujours le cas sur les autres continents. Pour l’Amérique du Nord, vers laquelle je me dirige, je vais devoir faire face à des grandes traversées de plusieurs jours sans ville et sans endroits où dormir ou me ravitailler. Je vais m’initier au camping sauvage !
Vous restez très peu de temps dans chaque pays, n’est-ce pas frustrant de devoir repartir trop vite à chaque fois ?
J’ai couru plus de 3000 km en Italie, et plus de 2500 km en France et en Grèce, ça fait entre 2 mois ½ et 3 mois dans le pays, ce qui n’est pas négligeable ! Il y a effectivement des pays plus petits, en fonction de l’endroit où je les traverse. J’ai ainsi traversé le Luxembourg en une seule journée de course, de même pour la Bosnie en 1 seule journée sur la côte dalmate. Le Monténégro a été l’affaire de 3 jours. Mais de manière générale, je passe quand même quelques semaines dans chaque pays, ce qui me permet de toujours passer par la capitale et de voir aussi l'arrière-pays. Une bonne fenêtre sur le pays dans son ensemble, ça me convient.
Que transportez-vous dans votre poussette, qui vous accompagne dans vos 42,195 km quotidiens ?
Pas grand chose ! Il y a dans mon sac : 3 tenues de course, 1 tenue de vêtements “de ville”, 1 paire de chaussures, 1 ordinateur, des câbles pour mes GPS, balise satellite et téléphone, des chambres à air de secours, des affaires de toilette et c’est tout ! (En hiver j’ajoute une veste polaire, des gants, un bonnet et des collants de course).
Vous êtes entrée en Turquie le 16 juin dernier, avez-vous vécu un choc culturel ? Comment ont réagi les Turcs en apprenant votre projet de marathon ? Auriez-vous une anecdote à raconter sur votre séjour en Turquie ?
Il y a quelques pays en Europe pour lesquels le passage de la frontière a été un choc culturel immédiat, et la Turquie en fait partie. Mais c’est aussi une bonne chose, il ressort de ma traversée de l’Europe que ce continent est d’une grande diversité, d’une richesse de cultures, de langages, de traditions culinaires, de modes de vie. C’est fascinant. J’avais peur de choquer en Turquie, en étant une femme seule qui court en short et t-shirt avec une poussette à bout de bras. Apparemment, non seulement ça ne choque pas, mais je reçois des signes d’encouragement tout au long de mon chemin.
Anecdote : lors de ma première journée en Turquie, je rejoins la ville de Kesan. A mon arrivée, je cherche à déjeuner quelque part. Je n’ai pas encore les codes pour comprendre et repérer les bons endroits où manger. J’ai fini par m'asseoir à une table au hasard, personne ne parlant anglais, j’ai utilisé Google Traduction pour demander juste qu’ils me servent leur plat préféré. Ils m’ont cuisiné des mets délicieux et particulièrement épicés. J’ai beaucoup transpiré en mangeant ce déjeuner ! Un choc venant de Grèce où les piments ne sont pas du tout utilisés.
À l’issue du marathon, prévoyez-vous de reprendre votre activité professionnelle ? Peut-on aspirer au retour à une "vie normale " à l’issue d’un tel exploit ?
Bien sûr, quand j’aurai terminé ce tour du monde, j’aurai 45 ans. Je compte bien travailler encore au moins 20 ans ! Je ne sais pas encore quelle activité professionnelle m’occupera. Je pense qu’il est tout à fait possible, souhaitable même (et surtout très sain) de continuer à contribuer, par le travail, au monde qui m’entoure. J'espère avoir une valeur ajoutée différente et pouvoir contribuer de manière pertinente à une cause juste. Il faudra, je le sais, trouver un projet qui me tient particulièrement à cœur, ça sera là l’essentiel.
Arrivée de Lootie au Palais de France, le 24 juin 2021
Si vous souhaitez aider Lootie, contribuez à son fundraising en cliquant ICI
Suivez le parcours quotidien de Lootie sur son site : https://lootie-run.com/
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(*) La circonférence de la Terre est de 40 000 km et encercle un mélange de terres et de masses d’eau. La somme de la largeur maximale de tous les continents est de 26 232 km !
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