Covid-19 : « J’ai tenu parce que j’ai agi », le témoignage du Dr Rossi, infectiologue
Vous avez fait partie des 1000 premières victimes du covid. Comment avez-vous vécu la maladie ?
Dr Benjamin Rossi : Comme tout le monde, j’ai d’abord eu peur, parce qu’on ne connaissait pas grand-chose à cette pathologie au début du mois de mars 2020. Pendant trois jours, j’ai eu beaucoup de fièvre, une immense fatigue, cette fameuse toux sèche, des vomissements, un essouflement. Quand je me suis senti mieux, j’avais perdu le goût et l’odorat. Sur internet, j’ai alors épluché toute la littérature médicale, mais personne n’avait encore décrit ces troubles, dont on a appris plus tard qu’ils étaient de nature neurologique. Au bout d’une semaine, j’en ai parlé à des confrères et beaucoup m’ont rapporté des atteintes similaires chez leurs patients. J’ai alors compris que ces symptômes, qui ont duré chez moi un mois et demi, étaient bien liés à la maladie. Et j’ai surtout vérifié que sans la connaissance, qui permet de comprendre, tout n’est que panique.
Comment avez-vous attrapé le virus ?
Par un patient pakistanais qu’on n’avait pas pu dépister parce qu’au début de l’épidémie, seuls les malades en provenance de Chine ou de Lombardie, en Italie, avaient accès aux tests. Par ailleurs, il faut se rappeler qu’à l’époque, personne ne portait de masque…
Avoir été patient vous a-t-il aidé dans la prise en charge de vos malades ?
Ce qui m’a aidé, c’est de ne plus avoir peur d’attraper la maladie, puisque je l’avais déjà eue. Et ça m’a aussi permis d’avoir un contact physique avec les patients. Je pouvais leur prendre la main, leur caresser les cheveux, les rassurer, leur dire que j’avais moi aussi contracté le virus et que j’allais mieux.
Pendant cette première vague, votre hôpital est débordé, privé de moyens matériels et humains… Le jour, vous voyez les patients, la nuit vous réalisez des études. Comment avez-vous tenu ?
En ne regardant pas les malades souffrir sans rien faire, mais en agissant en médecin, c'est-à-dire en traitant. Pendant ma brève convalescence, à la maison, j’avais recherché des informations sur de possibles traitements et noté qu’un médicament en particulier, le tocilizumab, semblait intéressant pour bloquer la cascade de réactions inflammatoires provoquées par le virus. Dès mon retour à l’hôpital, en accord avec nos pharmaciens, mes confrères et les patients, nous avons commandé et expérimenté ce traitement, auquel nous avons rapidement ajouté des corticoïdes. Tout cela, dans la plus parfaite illégalité, puisqu’en dehors d’études cliniques que nous n’avions ni le temps ni les moyens de monter, nous n’avions pas le droit d’utiliser ces médicaments. C’était très stressant, parce que nous portions seuls la responsabilité de nos actes. Mais nous avons pris ce risque parce que très rapidement, nous avons observé une baisse de 30% de la mortalité. J’ai donc tenu parce que tous ensemble, dans notre hôpital intercommunal, nous avons “fait“. Et nous avons bien fait. Un an et demi plus tard, nous appliquons toujours le même protocole, un peu ajusté grâce aux études qui ont été menées depuis.
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* Merci au Dr Benjamin Rossi, auteur de "En première ligne - une plongée captivante au coeur de la médecine" (éditions Prisma)
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