Téléphones portables: les accessoires anti-ondes sont-ils vraiment utiles?
Patch à coller au dos de son téléphone, oreillettes anti-ondes, coques de protection... Ces dernières années, l’émergence de craintes concernant les ondes électromagnétiques a fait naître un marché florissant, celui des accessoires anti-ondes. Leur promesse? Protéger l’utilisateur des ondes émises par son téléphone portable en diminuant leur puissance. Le problème est que l’efficacité de ces dispositifs n’est pas démontrée. Et surtout, ils répondent à un besoin chimérique puisqu’il n’existe à l’heure actuelle aucune preuve d’un effet néfaste des téléphones portables sur la santé, en dépit des centaines d’études réalisées.
Que sont les radiofréquences?
«La focalisation des esprits sur la question de l’efficacité des dispositifs anti-ondes détourne l’attention de la question préalable, qui est: est-il nécessaire de se protéger des ondes émises par la téléphonie mobile?», interroge Sébastien Point, physicien et membre de la société française de radioprotection. Impossible de répondre à cette question sans d’abord s’intéresser à la nature de ces ondes.
Il s’agit de radiofréquences, qui appartiennent à la grande famille des ondes électromagnétiques, allant des très basses fréquences (les lignes électriques) aux rayons X. Contrairement aux ondes de fréquence élevée - les ultraviolets par exemple - , les radiofréquences n’ont pas l’énergie suffisante pour casser les molécules d’ADN. En revanche, une partie de leur énergie est absorbée par la matière et peut faire vibrer des molécules, comme les molécules d’eau. Si le niveau d’exposition est important, cela provoque un échauffement.
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Le DAS, un seuil de sécurité
Pour quantifier cette exposition, on utilise une mesure de référence: le débit d’absorption spécifique (DAS). Exprimé en watt par kilogramme, cet indicateur représente la quantité d’énergie absorbée par les parties du corps exposées à des ondes radiofréquences. Les téléphones portables ne doivent pas dépasser une valeur limite de DAS fixée à 2 watts par kilogramme, soit un seuil de sécurité 50 fois inférieur à celui à partir duquel des effets thermiques apparaissent. «En règle générale, on est de 1 à 5% du maximum autorisé, donc les normes nous protègent de façon très efficace», soulignait Yves Le Dréan, biologiste à l’Institut de recherche en santé, environnement et travail (IRSET), dans un précédent article.
Dans un avis publié en 2015, la Commission européenne a d’ailleurs réaffirmé qu’«aucun effet néfaste sur la santé n’est établi si l’exposition reste inférieure aux niveaux fixés par les normes en vigueur». Des études ont bien soulevé un lien entre les radiofréquences produites par les téléphones portables et un risque accru de tumeurs du cerveau. Mais «d’autres études n’ont pas confirmé ce lien et l’une d’entre elles, en particulier, suggère d’interpréter ce lien avec prudence: l’incidence des tumeurs correspondantes n’a pas augmenté depuis l’apparition des téléphones portables», soulignait la Commission européenne.
Il arrive que des constructeurs se fassent épingler par l’Agence nationale des fréquences, qui veille au respect des valeurs limites d’exposition. Dans ce cas, ils doivent s’y conformer, soit en mettant à jour le logiciel du téléphone, soit en le retirant du marché. Et quand bien même la norme serait dépassée, «cela ne veut pas forcément dire mise en danger», fait valoir Sébastien Point.
Des allégations sans fondement
Mais après tout, pourquoi ne pas utiliser des accessoires anti-ondes, par précaution? Certains fabricants promettent de diminuer le DAS jusqu’à 99%. Mais tous ne sont pas en mesure de fournir les preuves de l’efficacité de leurs produits. Une enquête de la Direction générale de la répression des fraudes (DGCCRF) réalisée en 2015 a mis en évidence que la plupart des allégations affichées «n’ont aucun fondement» et qu’elles «s’appuient souvent, sur un vocabulaire fantaisiste ou entièrement inventé».
Certains fabricants avancent en effet des explications qui laissent dubitatifs. «C’est un convertisseur, qui transforme en permanence les émissions d’ondes électromagnétiques négatives en émissions d’ondes positives revitalisantes bénéfiques pour notre santé», affirme l’un d’eux sur son site Internet à propos de son dispositif. La DGCCRF note toutefois que la majorité des vendeurs ont présenté des études, mais celles-ci n’étaient pas «reconnues officiellement» et certaines étaient «anciennes» et «ne portaient pas sur des téléphones mobiles présents sur le marché».
Un effet incertain
Un peu plus tôt, en septembre 2013, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a publié les résultats d’un test portant sur l’efficacité de 13 dispositifs anti-ondes. Les experts concluent que ces objets n’ont «aucun effet probant sans une altération des performances du téléphone mobile». Au contraire, «les protections qui modifient les performances radioélectriques des téléphones mobiles (...) risquent, dans des conditions d’utilisation réelles, d’augmenter le niveau d’exposition de l’utilisateur». «Les téléphones émettent une puissance qui est fonction de la proximité avec l’antenne», détaille Anne Perrin, spécialiste du risque électromagnétique et coauteur de l’ouvrage Champs électromagnétiques, environnement et santé (Ed. EDP-Sciences). «Si on empêche les ondes de passer, le téléphone risque d’émettre davantage. Il n’y a aucune garantie d’être moins exposé.»
«Ce marché me semble évoluer sur la phobie que développent certaines personnes face aux ondes», estime Sébastien Point. «L’existence d’objet anti-ondes, et les débats sur leur efficacité pourraient, selon moi, renforcer leur conviction qu’il est nécessaire de se protéger des ondes, que des progrès technologiques existent dans ce domaine et peuvent leur permettre de se sentir mieux: par conséquent, les dispositifs anti-ondes deviendraient en quelque sorte des objets contra phobiques dont ils ne pourraient se passer.»
Et si l’on souhaite réduire à tout prix son exposition aux radiofréquences, il reste un moyen simple: éloigner le téléphone de sa tête en s’équipant d’un kit mains libres. En effet, «Pour tous les rayonnements, la puissance reçue diminue avec le carré de la distance», rappelle le physicien. Donc si vous éloignez votre téléphone à 10 centimètres de votre visage, déjà, la quantité d’énergie absorbée est divisée par 100.
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