Le Vieux-Port toujours pollué par les résidus de plaisanciers qui retapent leur bateau
“Nous, on carène directement là. Les résidus ? Ah ben ils partent dans le port.” Sur le Vieux-Port de Marseille, de la mairie au fort Saint-Jean, personne ne s’en cache : une fois par an, les plaisanciers nettoient la coque de leur bateau sur place, alors qu’aucun système de collecte ni de traitement des résidus n’existe sur cette partie du quai. Une activité forcément polluante, du fait notamment des peintures appliquées sur la partie sous-marine des bateaux. Polluante, et donc interdite. Depuis plusieurs années, la métropole, chargée de la gestion des ports est censée réaliser des travaux pour mettre en place les installations adéquates. Dans l’intervalle, elle doit faire en sorte d’éviter que les plaisanciers ne carènent sur place. Mais la collectivité ne fait visiblement ni l’un, ni l’autre.
Dans un arrêté datant du 16 juillet, l’État a donc décidé de serrer la vis. La préfecture des Bouches-du-Rhône y pointe “la gravité des atteintes aux intérêts du code de l’Environnement liée à la poursuite de l’activité de carénage, entraînant le rejet de peinture contaminante dans le milieu marin”. Elle instaure donc la suspension du “carénage des coques de bateaux, comprenant le nettoyage à sec ou en eau ainsi que les travaux de peinture”. Et enjoint la métropole à prendre ses responsabilités pour faire appliquer cet arrêté, aux moyens notamment de gardiennage. “Dans le cas où la suspension ne serait pas respectée, poursuit la préfecture, il pourra être apposé des scellés sur les installations objet de la présente décision.”
“Ils sont venus faire les tracés et plus rien”
Pour Michel Lamberti, président de la fédération nautique des Bouches-du-Rhône, cet arrêté n’est pas une surprise. “Depuis un an ou deux, les plaisanciers sont en sursis. Le préfet fait respecter la loi et c’est normal, le problème se trouve du côté de l’absence de travaux de la part de la métropole”. Si la décision prise ce mois-ci paraît sévère, elle fait suite à de nombreuses relances.
En 2014, la communauté urbaine MPM (depuis fusionnée au sein de la métropole) annonçait le lancement de la deuxième phase des travaux de réaménagement du Vieux-Port, pavés et plan d’eau. L’installation des équipements pour récupérer et traiter les résidus du carénage des bateaux devait en faire partie. La demande d’autorisation de travaux précisait alors : “Il est proposé de prendre le problème à la base et réduire les risques de contamination des sédiments portuaires par les eaux de carénage en faisant subir à celles-ci un pré-traitement avant un rejet dans le réseau d’assainissement public qui sera créé dans le cadre de la semi piétonisation des quais du Vieux-Port. Ce traitement est basé principalement sur un dégrillage, une décantation permettant de séparer les particules lourdes et les hydrocarbures”.
Mais le chantier s’est arrêté côté quai de Rive-Neuve au sud, sans jamais traverser le port pour la partie entre l’hôtel de Ville et le Fort Saint-Jean. “Ils sont venus faire les tracés et depuis, c’est tombé à l’eau”, glisse-t-on tout en jeu de mots au Groupe des pêcheurs provençaux et plaisanciers, installé à cet endroit. Jamais vraiment actée politiquement, la décision de stopper le chantier semble avoir été prise autour de 2016, sur fond de restrictions budgétaires.
Visite de l’inspecteur de l’environnement
Depuis, plus grand monde ne s’est inquiété de la question. Sauf l’État, pour qui cette opération de rénovation comportait aussi un enjeu écologique. Ainsi, en janvier 2018, une première visite d’un inspecteur de l’environnement constatait sur cette partie du port une activité de carénage sans traitement. En mars de la même année, la préfecture adressait un courrier à la métropole pour lui demander de faire stopper cette activité polluante.
Il faudra alors attendre plus d’un an pour qu’en juin 2019, la métropole s’explique auprès de l’État sur cette situation. Le Vieux-Port connait un retard des travaux de réhabilitation, reconnaissait-elle, mais des consignes ont été transmises aux plaisanciers pour qu’ils aillent faire caréner leur bateau dans les secteurs équipés. Relancée par la préfecture, elle ne livrera jamais le détail du contrat avec les associations qui encadrerait cette pratique. Contactée par Marsactu, la métropole n’a pas répondu à nos sollicitations dans les délais impartis à la publication de cet article*.
Sur les quais, rares sont ceux qui ont en tête la consigne d’aller caréner plus loin. “Jamais entendu ça”, assure un vieux membre de la Société des canotiers marseillais. “Et même si on avait été informés, c’est impossible. Nous sommes des centaines et nous carénons tous au même moment. Il n’y aurait pas assez de place”, estime-t-on encore au Groupe des pêcheurs provençaux et plaisanciers. Au total, quatre clubs sont concernés. Et pas forcément partants pour connaître le même réaménagement que leurs voisins. Avec la suppression des barrières et leur relocalisation sur des estacades, les petites maisonnettes de bois toutes identiques, certains se disent désormais victimes d’une inégalité de traitement.
La métropole propose des solutions provisoires
La métropole a fini par répondre en accordant à Marsactu une interview du président du conseil de territoire Marseille Provence. Selon Roland Giberti (LR), le projet de réaménagement du Vieux-Port n’est pas allé à son terme pour plusieurs raisons. L’une d’entre elles réside dans la concertation. “Il y a eu quelques difficultés. Certains [clubs nautiques, ndlr] étaient contre. Mais on ne peut pas dire que ce soit tombé aux oubliettes”, assure-t-il.
Après une réunion à ce sujet en préfecture ce jeudi, le président du conseil de territoire souhaite pour le moment mettre l’accent sur “les solutions provisoires”. Pour finir la saison, les clubs ont proposé la mise en place de boudins flottants de rétention, l’utilisation de peintures moins nocives et la récupération des polluants solides. Les bateaux de moins de cinq tonnes, explique-t-il sans pouvoir préciser leur proportion, pourront utiliser l’aire de carénage d’un club voisin dans la partie du port équipée en aire de carénage aux normes.
Ensuite, la métropole devrait ressortir des cartons son projet de “cuve-cabanon”, qui consiste à aménager des cuves hors sol entourées de bardage en bois. “Mais pour cela, il faudrait que l’ABF [Architecte des bâtiments de France, ndlr] revoie sa position”, prévient Roland Giberti. En septembre 2020, un marché avait été lancé pour ce projet pour 500 000 euros, assure le président du territoire. Avant de tomber à l’eau. Une nouvelle réunion avec les services de l’État, la métropole et les clubs nautiques doit se tenir dans les prochains jours.
*Encadré ajouté le 22/07/2021 à 17 h
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